13 Mars 2012
Un sergent américain a tué, dimanche, 16 civils. Les explications d'un psychiatre militaire.
Comment un soldat de 38 ans, père de deux enfants, a-t-il pu tuer de sang froid 16 villageois endormis, dont 9 enfants ?
On a certainement affaire à "une décompensation psychiatrique", un "pétage de plombs". Cette personne peut avoir un passé psychiatrique
troublé, mais n'importe quel individu sain d'esprit au départ peut perdre pied quand il est dans une situation de stress prolongé comme celle que connaissent les soldats en guerre.
Ce sergent a déjà effectué 3 missions en Irak avant d'être envoyé en Afghanistan. On a vu des cas similaires survenir chez des individus soumis à une ivresse
toxique. Le stress dans lequel vivent ces militaires aboutit à une surconsommation de psychotropes. Deux tiers des soldats américains en prendraient au cours de leurs missions."
Est-il possible de prévenir ce type de comportement ?
Pas de façon absolue, mais on peut diminuer les risques, estiment les experts. Quand un militaire a été confronté à la mort de ses compagnons, le commandement
militaire doit éviter de le placer en contact avec des civils. Le soldat voit des ennemis partout, femmes et enfants compris. Cela entraine forcément des troubles individuels mais aussi
collectifs. Ce qui existe chez les uns se passe de la même manière chez leurs alliés avec cet exemple étonnant : six militaires américains ont été abattu par leurs collègues
afghans après l'incinération d'un Coran quelques jours plus tôt par des soldats américains.
Les troupes américaines sont épuisées. Pour pallier aux problèmes d'effectifs, les périodes de séjour des soldats ont été augmentés de 12 à 15 mois, ce qui est
beaucoup trop long. Il ne faudrait pas dépasser 3 missions sur le terrain.
Chez les vétérans, le bilan psychique est désastreux. Le taux de maladies mentales a presque doublé depuis l'envoi des troupes en Irak.
Au cours de ces derniers mois, on a souvent observé plus de morts par suicide, parmi les soldats et les vétérans que sur le théâtre des opérations militaires. En
juillet 2011, 32 militaires se sont suicidés. Le traumatisme de la guerre est une bombe à retardement et ses conséquences peuvent apparaître plusieurs années plus tard. Aux Etats-Unis, un suicidé
sur cinq est un vétéran.
Faire la guerre esquinte durablement les individus et des bavures de cette sorte se produisent dans toutes les guerres.
Cette nouvelle tragédie va ébranler plus encore le peu de confiance qui pouvait exister entre l'armée et la population afghane qui risque de s'en prendre à tout ce qui porte un uniforme, quelque
soit la nationalité du militaire.
Catherine Gouëset ( l'Express.fr )